Venise, une heure du matin.

Publié le 20/08/2010 à 17:26 par davidemurano

 

Il est une heure du matin, je viens de l'apprendre en entendant le coup de la cloche fêlée d'une petite église voisine, un son plus évocateur d'un village perdu que d'une grande ville comme Venise. Je suis allongé sur mon lit, tout habillé, mais déchaussé ; et je lis un des innombrables ouvrages consacrés aux effets de la guerre nucléaire, que, depuis quelque temps, j'accumule dans ma petite bibliothèque, autrefois constituée exclusivement de textes littéraires. Pourquoi est-ce que je continue à lire ces livres qui se ressemblent tous et qui sont, au fond, ennuyeux ? Parce que je n'arrive pas à " penser " la bombe atomique, au sens où je maîtriserais le sujet avec ma pensée. Cette fission de l'atome, dans sa transmutation inégale ne cesse de me stupéfier. Je ne parviens pas à " penser " que la matière, dans des conditions données, créées par la science, devienne explosive. Autrement dit, que la fin du monde où je me trouve impliqué soit naturelle. Ce monde qui, à certains instants, les plus poétiques et les plus apaisés, par exemple par une belle matinée de printemps, à la campagne ou au bord de la mer, nous paraît si serein, si doux, si tranquille est en réalité constitué, dans sa matière même, d'une furie destructrice démoniaque, quoique complètement dissimulée et absolument invisible. Aussi, je suis étonné par une certaine fausseté, une certaine hypocrisie de la nature qui, après avoir été vaincue de mille façons, retrouve aujourd'hui, à une échelle bien plus redoutable, son rôle ancien d'ennemie impitoyable de l'humanité.

Alors je saisis un récit de littérature, n'importe lequel, je me rendors, je m'enfonce dans le lit avec un sentiment d'abandon et de repos, comme si la nuit qui m'entoure, avait pris, en cette occasion, la forme du corps d'une femme, glissant sur la lagune, m'emportant loin au large...