Prémonition d'une veillée de nouvel an aux îles, à Venise.

Publié le 17/11/2010 à 21:52 par davidemurano Tags : amour nuit mer chats

Scintillements pour Noël, qui resplendit au milieu des boutiques pour milliardaires, de Saint-Marc au Rialto, et tout alentour. Toujours davantage d'étalages et de lumières, jusque dans les quartiers les plus populaires, où est la crise ?

Mais au dessus des enfilades de comptoirs, en bordures des ruelles étroites, passent des flashes bleus qui se greffent à des lumières disparues. Ce sont de multiples petits marchés à trois sous qui alternent leurs lampes éblouissantes pour un spectacle prêt depuis toujours, et resté d'habitude dans l'ombre. Il suffit d'une bâche remuée par le vent, d'un support oublié, et brusquement les nouvelles lumières enflamment les recoins les plus étranges entre les vieilles gouttières, font ouvrir des yeux éberlués dans les griffonnages des mosaïques, et décochent des pierres filantes sur des statues semblant en état de marche. Dans le kitsch des murs tordus passent des souffles jaunâtres, des respirations ou des miasmes, qui échappent aux lois de l'optique. Frappés par les éclairs, des chats sont délogés des belvédères tandis qu'invisibles, des pigeons sommeillent.

Les rez-de-chaussée des maisons demeurent  dans l'obscurité, de sorte que la grande machine de pierre qu'est Venise, brûlée par des lumières factices, se soulève avec ses pieds ombreux au dessus du niveau de la mer. Le peu qui suffit, du moins pour cette nuit, à repousser la peur de la marée, c'est Noël et sa fin d'année.

Mêlés aux lueurs des lieux, suivent des accouplements frénétiques de tous les vents disponibles. Ils dispersent les bateaux lointains, font tournoyer les mappemondes dorés sur les tours de la " Dogana ", et se mettent en quête à faire vibrer des cohortes de gondoles qui disparaissent rapidement sous les ponts. Ce soir, nous nous mettons à les suivre. Une lumière les poursuit sous les vents, halos, reflets, signaux en rafales... Mais ce temps qui nous agresse n'a rien de théâtral : c'est Noël.

A l'âcre salinité de décembre,  les gens s'arrêtent sur les ponts, se saluent malgré le poids de leurs paquets, se parlent d'amour et de maladie, et, plus encore que d'habitude, se réjouissent de la vie.

Voici la fin d'année parmi les îles, qui ne ressemble en rien à une année des ans 2000...