Des Biennales presque tous les jours...

Publié le 20/07/2011 à 21:30 par davidemurano Tags : nuit vie exposition

Des Biennales presque tous les jours...


Le fait est, que les expositions deviennent toujours davantage les axes du grand circuit touristique Vénitien : il faut nécessairement " faire les touristes ", au milieu de cette foule qui arrive de tous les coins du monde. Il faut se " divertir " entre Arcimboldo, - Titien, Canaletto, Tintoret, -, Dali... sinon, pourquoi le " faire ce circuit " ?

Mais pour nous, Iliens, l'amusement des expositions, ce sont lesautres.

Nous, les non-touristes, sommes là pour faire tourner le carrousel. A faire la queue, on ne gagne rien. Si on participe, on s'interdit le droit d'ironiser ; et nous avons suffisamment d'esprit et de patience pour éviter une double participation...

Vous, utilisateurs des expositions, finissez votre circuit : prenez votre plaisir, décrochez, et ensuite, sans un regard, sans un mot, salut.


Nous avons toujours été des commerçants fébriles ou des histrions ironiques, détachés juste ce qu'il faut. A présent " mécaniciens " d'une industrie délicate et sophistiquée, où se croisent théâtres et commerces, au milieu de relations humaines foudroyantes ou inexistantes, la brièveté du temps est effroyable : griffe d'un instant, sourire d'un moment, existence qui passe...

Bientôt reviendra la tristesse de la fin des choses. Le bar à côté va fermer, cent ou mille emplois seront suspendus : on perçoit déjà proche, en plein été, le retour de notre passive et hivernale folie.


Le résultat, c'est que nous n'y allons pas dans les expositions. Tout comme nous ne participons pas à tant d'autres choses, parce qu'en habitant une ville comme la nôtre, en récoltant le fruit de notre labeur sur les marges, entre des instantanés de vie et des retombées dans la léthargie, il est difficile de croire en quelque chose.

Il faudrait au moins un certain degré de crédulité, une certaine dose d'espérance, un minimum de bonheur à partager, pour se mettre dans une queue et commencer...

L'unique réalité à laquelle se fier, pour les habitants des îles, reste la petite barque peinte, prête, là, sur la rive : comme durant l'invasion des barbares.


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Départs, attentes, renvois... Je passe dans la boutique de jouets de mon ami Nino. Il accumule plus qu'il ne vend. Des petits robots, d'inutiles gondoles, d'antiques bibelots récupérés par caprice dans d'autres îles que les siècles ont érodé. Il aime surtout les petits mécanismes qui lui restent sur les bras, et alors, il en fait un petit musée, presque une exposition...

Je lui demande :

-  La Biennale de Nino ?

Il rit :

- La nôtre.

Chaque Vénitien a la sienne en propre. Nino travaille jusque tard dans la nuit, entre sa boutique et son exposition...


Nous sortons, un pas s'éloigne, on dirait toujours le dernier. Nous nous accoudons un moment sur le rebord d'un  pont : un tour en barque ? C'est trop tard.

Nous découvrons une ombre, plus loin, sans un mot, immobile. C'est l'heure où ceux qui restent retrouvent leur véritable tâche : celle d'habiter le vieux radeau tant qu'il dure, projetés par le destin le long des canaux obscurs.

Un coup d'œil de temps en temps, là, sur ce qui nous attend sur l'autre rive de la vie, d'où les commerces auront disparu.

Les touristes, eux, ils doivent bien sûr dormir à poings fermés : demain, une autre exposition à visiter, ils recommenceront à tourner...

Sans un regard pour Nino.

Sans un mot.

Et salut.